Découvrir un nouvel album de Cradle of Filth est toujours un peu spécial pour moi. Ce groupe a été pour moi la porte d'entrée vers le Black Metal et vers un paquet de groupes peu recommandables. Je m'en souviens comme si c'était hier. La découverte du EP Vempire en 1997. Un grand moment. C'était à la fois fascinant et dégoûtant. Fascinant parce que je ne comprenais absolument à ce que racontait Dani, même avec les paroles sous les yeux, les références étaient beaucoup trop obscures pour moi. Dégoûtant parce que ça sentait le souffre, ça suppurait de morbidité et je n'avais jamais rien entendu d'aussi crade. Mais j'ai persévéré. Je suis revenu sur ce EP, ma curiosité était piquée et c'en était fini de moi. J'ai fini par écrire un mémoire de DEA sur un corpus de textes de Dani et j'ai ensuite traduit le Gospel of Filth en français pour les éditions Camion Blanc. Autant dire que le mot "fascination" n'est pas trop exagéré pour moi.
Voilà enfin venu le jour où je découvre en intégralité ce nouvel album. Autant vous le dire de suite, il m'a fallu bien deux écoutes pour commencer à rentrer dedans.
L'intro de l'album, "The Fate of The World on Our Shoulders", est bien ficelée et nous met dans l'ambiance sans trop de difficulté. Le titre lui-même évoque tout de même quelque chose de nouveau. Dani semble s'attaquer à des thématiques plus contemporaines comme il l'avait déjà fait pour "The Foetus of a New Day Kicking". L'ambiance est sombre, mais ça on a l'habitude, peut-être que Dani est pessimiste quant à notre capacité à modifier notre façon de vivre ?
L'album se lance ensuite sur "Existential Terror" et sur quelques mots en latin peu rassurants "Pulvis Et Umbra Sumus" (mes cours de latin sont loin, mais on peut sans doute traduire ça par "nous sommes poussière et ombre").
Ici on parle d'apocalypse mais pas de celle apportée par une entité fanstasmée non, ici on parle de l'apocalypse apportée par l'homme. En tout cas, le morceau est convainquant, de bons riffs, et des backing vocals intéressants. C'est varié et loin d'être linéaire. Une bonne première impression.
Vient ensuite Necromantic Fantasies dont le texte partage ce même sentiment : " As heavens fix their wrathful eye / On man licking the planet dry". Le constat est sans appel. Crawling King Chaos vient enfoncer le clou juste derrière avec ces visions apocalyptiques.
L'album se poursuit avec Here Comes a Candle...(Infernal Lullaby), un morceau instrumental qui nous permet de souffler un peu. Le piano domine cette pièce et égrène une mélodie calme et apaisante. Proche dans l'esprit de ce que l'on peut trouver sur Dusk and Her Embrace. En tout cas, cette première partie d'album est un sans faute. Jusqu'ici tout va bien. Black Smoke Curling from the Lips of War est le morceau suivant et je pense que c'est l'un des meilleurs morceaux de l'album. Très efficace. On peut y entendre Anabelle un peu plus que sur les morceaux précédents et son style colle parfaitement à Cradle of Filth. Ici il est question de Babylone, ville honnie et symbole de la tromperie et du mal dans la Bible. C'est dans cette citée que, toujours d'après la Bible, les hommes construisirent une tour pour atteindre le ciel. On retrouve encore là l'orgueil de l'Homme et son illusion de toute puissance.
Le morceau suivant, Discourse Between a Man and His Soul, est assez surprenant. C'est très mid-tempo et je ne pense pas que Cradle se soit déjà aventuré sur ce terrain un peu casse-gueule. En tout cas, pour le coup, c'est réussi et je pense que c'est encore un temps fort de l'album. C'est plutôt lent comme je le disais et cela raconte la fin de la vie d'un homme, le moment de faire le bilan. On croirait entendre Lord Byron se confesser.
The Dying of the Embers est encore un grand moment, les riffs sont incroyables et on peut dire sans peine qu'il y a eu un gros travail fait sur les guitares. Très bon morceau. Concernant les paroles, l'espoir est ici assimilé à une flamme que l'on cherche désespérément à rallumer sur des braises éteintes.
Ashen Mortality est le deuxième instrumental. Cela nous permet de constater que si la première partie de l'album est solide, cette deuxième partie l'est tout autant.
How Many Tears to Nurture a Rose? est une critique envers la religion. Il fallait bien qu'une chanson soit consacrée à cet aspect. La foi et la religion n'ont rien pu faire, nous sommes perdus. Bon morceau bien qu'un peu plus classique.
Suffer Our Dominion voit le retour de Doug Bradley dans l'intro, ce qui fait toujours plaisir. Le morceau parle de la nature qui prend sa revanche sur l'Homme et du fait que l'Homme ne pourra pas gagner. C'est une chanson écolo et bien brutale. C'est étonnant de lire ces mots :"Inhumankind now drives mass extinction / No escape from an enemy of billions / Pity the poor creatures that suffer our dominion" et "It will be a cruel and merciless catastrophe on a global scale / And without doubt / It will be the end of life as we know it" et de se dire que tout ça a été écrit avant la pandémie.
Us, Dark, Invincible est un morceau à la gloire des fans du groupe, des goths, de ceux qui sont un peu à part. C'est plutôt bien fichu, les paroles sont bien tournées, un bel hymne.
Sisters of the Mist est une sorte de conclusion à Her Ghost in the Fog et là encore Doug Bradley est de la partie. Bon morceau mais du coup thématiquement complètement différent du reste de l'album.
Arrive ensuite le dernier morceau de l'album, Unleash the Hellion. Une autre vision d'apocalypse. Bon morceau là encore même si je pense qu'il aurait été plus opportun de terminer sur Us, Dark, Invincible. Je pense que cet album fait partie des meilleurs de leur discographie et qu'il fait partie des meilleurs albums sortis cette année. Il est dans la suite logique des deux derniers albums mais avec une touche de maturité en plus. C'est plus abouti, mieux fini et la thématique est on ne peut plus d'actualité. Bref, du grand Cradle of Filth !
Paroles :
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